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Paul Claudel, la vie au risque de la joie

 

« L’âme humaine, dit Claudel, est une chose capable de prendre feu. Elle n’est même faite que pour cela. Ce feu porte un nom, il s’appelle la joie ou encore l’enthousiasme puisqu’il vient de Dieu. Ce feu invite l’homme à vivre le drame de la vie dans toute son intensité et à convertir toute expérience – voyages, rencontres, succès, défaites, passion amoureuse, mariage – en occasion de se grandir. Cette joie, depuis la révélation de Noël 1886 à Notre-Dame, Claudel en a, non sans luttes, accepté le risque, celui de vivre à la lumière de Dieu, cet hôte qui vous guérit pour toujours du repos. La devise de cette joie ? N’empêche pas la musique. N’empêche, sous aucun prétexte, la musique de ta vie de s’accomplir. » (4e de couverture).

Ce Claudel est le deuxième essai que je publie aux éditions du Cerf. Après Hugo, il s’agit de se plonger dans un autre monument, dans une atmosphère de haute catholicité. J’éprouve, tout au long de l’écriture de ce livre, une impression de joie immense. Longtemps je n’interroge pas ce sentiment, me laisse porter par la poésie, la pensée et l’imagination de Claudel. Le sujet du livre me paraît si évident que je n’y pense quasiment pas durant l’écriture jusqu’au moment où je me rends compte que le véritable sujet n’est pas seulement le rapport que Claudel entretient avec le Dieu révélé mais la joie qui en découle et qui consiste à se reconnaître habité par un hôte qui ne vous laisse pas de repos. Enthousiasme exigeant, joie totale qui concerne autant le corps que l’esprit, l’animus que l’anima. Joie formidablement intranquille qui ensemence toutes les parties sèches de votre être. D’où le titre du livre : Paul Claudel, la vie au risque de la joie.

C’est de la joie que provoque en vous l’œuvre de Claudel, à tout instant, même lorsqu’elle s’attarde sur l’impossibilité qu’a la passion amoureuse de se réaliser sur terre, sur l’amère révélation que porte la femme, clé d’une porte qu’elle ne peut pas ouvrir. Á Pascal qui dit trembler devant le silence des espaces infinis, Claudel répond qu’il n’y a rien à craindre des prairies célestes. Á toutes les anthropologies qui se lamentent sur telle ou telle faculté de l’homme – son imagination, ses sens, son corps –, le poète de Connaissance de l’Est répond que tout est bon dans le cochon, que même la faute, même le péché travaillent secrètement au salut.

Il y a une force de fécondité dans l’écriture claudélienne qui est absolument incroyable : il me semble parfois qu’elle est capable de pulvériser toutes nos peurs, de crever instantanément nos bulles de savon. Sous son regard, nous sommes comme des torrents qui remontent à leur source. Nous apprenons, avec lui, que l’âme humaine est une chose capable de prendre feu et que ce feu porte un nom.

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